DE 1450 à 1869 : onze millions d’africains n’ont pas suffi ?
- Jacques-Brice MOMNOUGUI
- 10 avr. 2020
- 6 min de lecture
« Dès l’aurore dis-toi par avance je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable. Tous ces défauts sont arrivés à ces hommes par leur ignorance des biens et des maux.
Pour moi, ayant jugé que la nature du bien est le beau, que celle du mal est le laid, et que la nature du coupable lui-même est d'être mon parent, non par la communauté du sang ou d'une même semence, mais par celle de l'intelligence et d'une même parcelle de la divinité, je ne puis éprouver du dommage de la part d'aucun d'eux, car aucun d'eux ne peut me couvrir de laideur.
Je ne puis pas non plus m'irriter contre un parent, ni le prendre en haine, car nous sommes nés pour coopérer, comme les pieds, les mains, les paupières, les deux rangées des dents, celle d'en haut et celle d'en bas. Se comporter en adversaires les uns des autres est donc contre nature, et c'est agir en adversaire que de témoigner de l'animosité ou de l'aversion. » disait Marc-Aurèle[1].
Pendant que je réfléchissais sur la mise en place dans le monde d’un « état-major » de la santé, signe précurseur, selon ma pensée, d’un nouveau contrat social, j’ai été interrompue par des ressentiments ancestraux d’un homme faisant néanmoins et toujours partie du règne animal. La race importe peu simplement parce qu’une vache de couleur noire ou blanche reste une vache, cela va de soi pour l’Humain.
Une phrase « Testons-les en Afrique, comme avec le sida sur… » qui fait un buzz positif pour les uns et négatif pour les autres, m’oblige à tabler expéditivement sur ces mots avant de poursuivre mes réflexions sur un éventuel nouveau contrat social au prochain numéro de ce journal.
« Nous ne donnons pas le même sens aux mêmes mots, nous ne parlons plus la même langue ». Cette citation, que j’emprunte à Albert Camus dans son ouvrage lettres à un ami allemand, me fait dire que depuis la fin de l’esclavage et du colonialisme, les humains n’ont plus les mêmes intérêts, la même vision ni le même langage.
C’est pourquoi :
J’ACCUSE tel Emile Zola dans l’affaire Dreyfus publié au journal Aurore le 13 janvier 1898.
Je DENONCE cette injustice de propos plaisantins ou sérieux qui n’ont pas lieu d’être.
J’ECRIS peut-être avec sentiments, mais mes ressentiments restent raisonnables.
J’ACCUSE parce qu’il estime que onze millions d’africains n’ont peut-être pas suffi de 1450 à 1869.
Je DEPOSE PLAINTE lorsqu’on se permet de prendre plaisir avec l’histoire dans sa phase la plus sombre et la plus douloureuse.
Heureusement que dès l’aurore faudrait se dire par avance que l’on rencontrera assurément un indiscret, un ingrat, un insolent, un fourbe, un envieux, un insociable.
Mais malgré tout, j’accuse.
J’ACCUSE plutôt comme Aimé Césaire en 1965 lors de son « Discours sur le colonialisme ».
L’histoire continue à nous enseigner et le présent nous informe. S’agissant de son rôle, Christiane TAUBIRA pense « Qu’il se transmet, selon l’orientation que l’on lui donne, il change. Ainsi l’histoire n’est ni exacte ni neutre ».
Quand on s’amuse stupidement à rêver tel un gamin à qui les parents promettent des vacances à Disney land avant de faire ses devoirs-maison, seuls lesdits parents sont en mesure de savoir si ce n’est qu’un leurre. L’enfant lui, sait pertinemment que c’est une incitation à l’obéissance avec une récompense à la clé. Dans cette logique il pourrait y avoir trois cas de figures :
- soit les parents changeront d’avis pour une cause raisonnable selon eux ;
- soit les parents réaliseront la promesse pour préserver la valeur et l’autorité de leur parole ;
- soit la promesse constituera un subterfuge pour forcer l’enfant à faire ses devoirs.
Ce qu’il faudrait retenir de cette anecdote c’est que les parents auront obtenu ce qu’ils voulaient. Ce faisant, cela pourrait également dépendre de la maturité de l’enfant qui pourrait ne pas faire ses devoirs malgré la promesse alléchante.
En l’espèce, l’enfant représente l’Afrique non pas par rapport son âge mais par rapport à sa liberté et à son évolution.
Ainsi, cet homme, ce docte savant, a maladroitement ramené l’africain à la « Chose » qu’il était, au sens de Colbert et de Louis XIV en application du « Code Noir[2] » !
Revenons à la campagne de vaccination contre le Coronavirus en Afrique tel qu’évoquée.
Il est de notoriété publique que des essais cliniques sont d’abord utilisés sur des animaux avant d’être testés sur des humains dans le but d’obtenir un résultat fiable dans la prévention ou le traitement de diverses pathologies.
Il n’en demeure pas moins que ces essais cliniques devraient être réalisés dans tous les territoires.
Mais pourtant, le docte savant préconise, pour ne pas dire « affirme et confirme », que des tests de vaccin contre le Coronavirus doivent être réalisés sur les africains.
Des Etats ont –ils déjà répondu à des appels d’offre ? ce qui est constant c’est que certains pays d’Afrique rejettent déjà cette idée d’essai clinique contre le coronavirus.
Je crois fortement que l’esprit de Colbert et de Louis XIV erre toujours parmi nous. Puisque l’histoire se transmet, selon l’orientation que l’on lui donne, elle change.
IL EST TEMPS DE CHANGER L’HISTOIRE DES NOIRS.
Très cher(e)s africain(e)s luttons pour changer l’histoire. Car si l’esprit de Colbert erre toujours, il est donc évident que ceux de : d’Aimé Césaire, de Cheick Anta Diop, de René Mérile, d’Ibrahim Frantz Fanon, d’Edouard Glissant, de Nelson MANDELA (...) règnent encore et toujours.
Par ailleurs celui de Christiane TAUBIRA, qui vit toujours, cet esprit moderne qui en plaidant pour la reconnaissance de l’esclavage comme CRIME CONTRE L’HUMANITE s’est détaché des honneurs. Les honneurs…qui, selon Héraclite d’Ephèse « tiennent en esclavage les dieux et les hommes ».
Partant de l’histoire du calvaire de Canaan dans la bible, de la controverse des Valladolid de 1550 et de 1551, de l’essai d’Arthur De Gobineau sur l’inégalité des races humaines en 1853, du Code Noir et des textes de Louis Sala-Molins, des propos de Mac Cole devant le parlement britannique du 2 février 1935, il me semble impératif d’écrire une nouvelle histoire pour l'Afrique pour la léguer à la postérité africaine.
Afin que ce genre de bavure récurrente « Testons les en Afrique, comme avec le sida sur… » ne prenne plus banquet à leur table.
Tout comme Albert Camus lorsque je pense à ses mots j’ai dans la gorge quelque chose qui se serre.
Par conséquent, j’en appelle pour ma part à Théophile Obenga, à Nioussérê Kalala OMOTUNDE, Valentin Mudimbe, à Dibombari MBOCK et Kä Mana pour une révolte métaphysique sur ce sujet.
J’estime que de leurs réflexions surgiraient des ajustements raisonnables d’une vision des Humains avec ou sans excès de mélanine, tel Wabi et son père dans la révolte métaphysique d’un jeune congolais de Pépin Guillaume Manjolo.
Je considère que malgré la volonté des puissants de ce monde, l’âme de l’Afrique ne sera jamais mutilée comme le soleil qui caresse la peau de ses enfants.
Prenons donc à chaque instant de la hauteur et affranchissons-nous de ces basses considérations pour en sortir autrement…
Que vaut donc la vie, les journées sans lever de soleil ?
Pensez-y.
[1] Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, Empereur romain entre 170 et 180 ap. J.C [2] Le Code Noir ou L'ordonnance ou édit de mars 1685 sur les esclaves des îles de l'Amérique, avait dépourvu les esclaves noirs de leur personnalité juridique ; l'esclave est légalement approprié par son maître et soumis à sa volonté. Morceaux choisis : Article 28 : Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres ; et tout ce qui leur vient par industrie, ou par la libéralité d'autres personnes, ou autrement, à quelque titre que ce soit, être acquis en pleine propriété à leurs maîtres, sans que les enfants des esclaves, leurs pères et mères, leurs parents et tous autres y puissent rien prétendre par successions, dispositions entre vifs ou à cause de mort ; lesquelles dispositions nous déclarons nulles, ensemble toutes les promesses et obligations qu'ils auraient faites, comme étant faites par gens incapables de disposer et contracter de leur chef. Art. 31 : Ne pourront aussi les esclaves être parties ni être en jugement en matière civile, tant en demandant qu'en défendant, ni être parties civiles en matière criminelle, sauf à leurs maîtres d'agir et défendre en matière civile et de poursuivre en matière criminelle la réparation des outrages et excès qui auront été commis contre leurs esclaves. Art. 32 : Pourront les esclaves être poursuivis criminellement, sans qu'il soit besoin de rendre leurs maîtres partie, (sinon) en cas de complicité : et seront, les esclaves accusés, jugés en première instance par les juges ordinaires et par appel au Conseil souverain, sur la même instruction et avec les mêmes formalités que les personnes libres. Art. 44 : Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté, n'avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers, sans préciput et droit d'aînesse, n'être sujets au douaire coutumier, au retrait féodal et lignager, aux droits féodaux et seigneuriaux, aux formalités des décrets, ni au retranchement des quatre quints, en cas de disposition à cause de mort et testamentaire.
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