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ET SI NOTRE CAPACITE D’OBEISSANCE SURPASSAIT NOTRE BESOIN DE LIBERTE ?

  • Photo du rédacteur: Jacques-Brice MOMNOUGUI
    Jacques-Brice MOMNOUGUI
  • 25 mai 2020
  • 4 min de lecture

La restriction de nos libertés fondamentales, puis leur restitution aux contours incertains conduit à un constat : celui de notre capacité d’obéissance, et celui de la facilité avec laquelle nous renonçons à notre Liberté.

Nous y renonçons parce que nous sommes des suiveurs. L’être humain est à l’image de ces moutons décrits par Rabelais, dans son «Quart Livre». Souvenons-nous : une altercation éclate entre le marchand Dindenault et Panurge (l’un des compagnons de Pantagruel): Dindenault s'étant moqué de l'accoutrement de Panurge, celui-ci se venge, en lui achetant un mouton, qu’il jette alors à l’eau...on connaît la suite: le reste du troupeau court rejoindre son congénère, emportant aussi Dindenault et les autres bergers qui tentent de le retenir en s'accrochant à lui.

Sur un autre mode, La Boëtie nous avait éclairé dans son «Discours sur la servitude volontaire » sur la capacité d’adhésion de l’être humain, et sur la source de son asservissement. La formule est brève, mais édifiante: «on est tyrannisé, parce qu’on est « tyrannisable ».

Autre illustration: «la Légende du Grand Inquisiteur » dans les Frères Karamazov de Dostoïeski : une vision très pessimiste de l’ Homme ressort du face à face entre Jésus et le Grand Inquisiteur : Jésus , revenu sur terre est fait prisonnier par le Grand Inquisiteur, qui lui reproche d’être venu perturber l’ordre installé par l’Inquisition, cet ordre dont l’Homme a besoin, dit le Grand Inquisiteur à Jésus: « l’Homme a besoin , non d’être libre, mais d’être gouverné par la Terreur ».

Et Napoléon Ier avait aussi fait ce triste constat de l’absence de besoin de Liberté chez l’Homme : « Je me suis rendu compte que les hommes ne naissent pas pour être libres. La liberté n’est un besoin que pour une catégorie peu importante de la population ».

Nos Sociétés successives n’ont ainsi eu qu’à exploiter ces propensions grégaires de l’Homme, et son aptitude à l’obéissance, pour asseoir son pouvoir de domination ou à tout le moins de contrôle.

C’est ainsi que Foucault parle de « Sociétés disciplinaires » et d’« enfermement », qu’il situait aux XVIII et XIXème siècles, en indiquant que l’individu ne cesse de passer d’un « milieu d’enfermement » à l’autre : famille, école, armée, usine, prison... autant de dispositifs propices à la surveillance, au quadrillage, à la maîtrise des individus, insérés dans des « moules ».

Gilles Deleuze, lui, évoque l’installation progressive de « Sociétés de contrôle ». Dans ces Sociétés « de contrôle », le mouvement et la liberté de circulation sont permis, … mais c’est précisément cette liberté qui permet un «contrôle continu» de tous les aspects de l’existence des individus :

Ces «Sociétés de contrôle » s’appuient en effet sur le développement des technologies de l’information et de la communication. Contrairement aux dispositifs des « Sociétés disciplinaires », qui procèdent par la coercition, dans les « Sociétés de contrôle », le mouvement et la liberté de circulation sont les conditions nécessaires à l’exercice d’un pouvoir qui opère désormais par « contrôle continu » de tous les aspects de l’existence et par « communication instantanée ».

Ces sociétés, celles des ordinateurs, des dispositifs informatiques de télésurveillance et de la cybernétique, n’ont pas encore aboli les précédentes, souligne Deleuze. Mais elles émergent à la faveur de la décomposition des institutions disciplinaires en procédés plus souples et plus insidieux d’assujettissement.

Et Deleuze conclut : « face aux formes prochaines de contrôle incessant en milieu ouvert, il se peut que les plus durs enfermements nous paraissent appartenir à un passé délicieux et bienveillant ».

Comment ne pas constater que nous vivons aujourd’hui dans cette Société de contrôle (!) ?

Tous les ingrédients qui la favorisent sont là : l’information, les « informations » à heure fixe égrènent sur toutes les chaînes les mêmes tristes nouvelles, nous révélant le nombre de morts en France et dans le monde ; les « communiqués » entretiennent savamment nos espoirs et nos angoisses ; nous nous trouvons ainsi ballotés, malmenés, alternativement apaisés puis inquiétés; enserrés dans un sentiment d’insécurité, de désordre masqué par des tentatives maladroites d’ordres imposés par cette Société de contrôle.

Et cette Société de contrôle nous projette soudain dans un univers inconnu, inhumain, semblable à celui de l’Univers d’anticipation d’Aldous Huxley, dans « le Meilleur des Mondes » ou celui de George Orwell dans «1984».

L'histoire décrite par Aldous Huxley se situe à Londres, dans un bâtiment gris nommé «Centre d'incubation et de conditionnement ». L'immense majorité des êtres humains vit au sein de « l'État mondial ». Les Religions sont bannies de cet Univers, remplacées par le culte du Soma (la drogue du bonheur obligatoire dans le Meilleur des Mondes). La reproduction sexuée a disparu ; les êtres humains sont créés en laboratoire, les fœtus y évoluent dans des flacons. Les goûts, les aptitudes futures sont dès l’origine déterminés par les traitements que subissent les embryons en laboratoires.

Quant à Orwell, il décrit une Grande-Bretagne trente ans après une guerre nucléaire censée avoir lieu en 1950 entre l'Est et l'Ouest, et où s'est instauré un régime de type totalitaire inspiré à la fois du stalinisme et de certains éléments du nazisme. La liberté d'expression a disparu. Les pensées sont surveillées. D’immenses affiches sont placardées dans les rues, indiquant à tous « Big Brother vous regarde ».

Autant de prémonitions, d’avertissements et de constats qui ne peuvent que nous inciter à la vigilance !

 
 
 

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