ETERNEL RACISME
- Jacques-Brice MOMNOUGUI
- 11 juin 2020
- 4 min de lecture
L’assassinat immonde de George Floyd renvoie notre mémoire et nos consciences à la constance de la ségrégation raciale aux Etats-Unis :
Citons, parmi tant d’épisodes tragiques
- l’assassinat le 16 Avril 1865, d’Abraham Lincoln, parce qu’il avait réussi à faire adopter, le 13eme amendement qui abolit l’esclavage aux Etats Unis ;
- la création en 1865 du mouvement du Ku Klux Klan par six soldats sudistes qui, portant des cagoules blanches et des tuniques, agressaient et massacraient la population noire ;
- l’adoption de Codes noirs qui, dans les Etats du Sud privaient la population noire de tout droit juridique ;
- les lois «Jim Crow» qui instauraient une ségrégation applicable à toute l’Amérique : interdiction à la population noire de tout accès aux lieux publics, prohibition des mariages entre Noirs et Blancs, séparation entre Noirs et Blancs dans les gares … autant de Lois qui reçoivent l’approbation de la Cour Suprême des Etats Unis !
Rappelons aussi les combats, notamment celui de Malcom X, assassiné en 1965, à l’âge de 39 ans, celui de Martin Luther King, assassiné, en 1968. Il n’avait lui aussi que 39 ans.
Avec l’assassinat de George Floyd nous ne pouvons que constater le caractère latent d’un racisme insoutenable.
Tout se faisant, selon l’intuition d’Héraclite, « par la discorde » , ce racisme a suscité l’indignation générale, mais aussi un réveil actif des consciences; c’est ainsi qu’en Belgique, plusieurs statues du roi Léopold II, que l’on a pu surnommer « le Hitler belge », ont été dégradées, et qu’une pétition demandant le retrait à Bruxelles de toutes les statues de ce roi sanguinaire a déjà recueilli près de 40.000 signatures.
On se souvient de l’histoire de de ce roi mégalomane, dénué de scrupule et d’âme, qui assouvissait par des procédés barbares sa poursuite de visées impérialistes.
Pour mettre ses plans à exécution, Léopold II abordera l’explorateur Stanley. Réputé pour son agressivité envers les autochtones, et surnommé par les Africains « le casseur de pierres », Stanley réussira à faire signer aux neuf rois locaux un traité lui faisant reconnaître la pleine propriété sur leurs terres.
Le personnage de Stanley est repris, sous le nom de Kurtz, par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». La nouvelle de Conrad est une dénonciation du colonialisme et une mise en lumière de la cruauté sans limites de l’âme humaine.
Léopold II allie l’hypocrisie de ses discours à la barbarie de ses actes: il n’hésitera pas, à prononcer un plaidoyer contre l’esclavage, tandis que son despotisme et sa cruauté sans bornes feront perdre la vie à des centaines de congolais.
Dans un documentaire fiction, intitulé « le roi blanc, le caoutchouc rouge et la mort noire », le réalisateur britannique Peter Bate a mis en scène cette partie sombre de l’ histoire de la Belgique au cours de laquelle des millions de personnes trouveront la mort.
Le documentaire de Peter Bate montre la mutilation d’enfants noirs, qui avaient eu les mains et les pieds coupés, pour faire un exemple, et accroître le rendement de la production.
Les photos prises par des missionnaires révèlent les atrocités commises, pendant le règne de ce roi sanguinaire.
Le discours immonde de Léopold II aux missionnaires, sur les modes d’évangélisation qu’il leur recommandait d’adopter est une illustration de ce qu’il considérait comme « la colonisation civilisatrice » :
«Evangélisez les Noirs jusqu’à la moëlle des os afin qu’ils ne se révoltent pas contre les injustices que vous leur ferez subir. Vous insisterez sur la soumission et l’obéissance même aveugle…. Leur apprendre à croire, non à raisonner. Convertissez les Noirs au moyen de la chicotte ; faites tout pour éviter qu’ils deviennent riches. Fâchez-vous en appliquant le fouet …. ».
Adam Hochschild , a écrit, en 1998 « les Fantômes du roi Léopold » . Il y situe Léopold II parmi les grands tyrans, tels Staline, Hitler, ou Poll Pot, et y dénonce la réduction de l’Etat indépendant du Congo de vingt millions d’habitants à dix millions, en quarante ans.
…. Pourtant, au cœur du 16ème arrondissement de Paris, « capitale des droits de l’Homme » il y a une avenue Léopold II !
En 2015, l’écrivain et éditeur Marc Wiltz lance une pétition pour que soi débaptisée l’avenue Léopold II. Il en appelle à François Hollande et à Anne Hidalgo. …. Il n’a pas été entendu!
Indigné par l’indifférence générale devant les « cent Millions de victimes » d’un roi mégalomane, Marc Wiltz a en plus de la pétition, écrit un livre « Il pleut des mains sur le Congo » : « …. Au panthéon des malfaisants, il revient une place de choix à Léopold… On parle de dix Millions de morts et disparus… soit le tiers de la population… sans compter les mutilés, impossibles à dénombrer … »
Conan Doyle écrit en 1909 « le crime du Congo belge »: « Beaucoup d’entre nous, en Angleterre considèrent le crime qui a été commis par le roi Léopold II comme le plus grand jamais répertorié dans les annales de l’ humanité. »
Comment comprendre alors le silence des politiques et de l’opinion publique? Comment admettre que la pétition de Marc Wiltz soit restée lettre morte ?
En Belgique, la statue de Léopold II avait été, en 2008, barbouillée de peinture rouge par Théophile de Giraud, un citoyen belge, qui décrira son acte comme « le symbole du sang des congolais innocents tués ou mutilés sous les ordres du sanguinaire souverain ».
Il aura fallu l’assassinat de George FLOYD pour qu’enfin une pétition pour demander le retrait de toutes les statues de l’ancien roi de la ville de Bruxelles soit recueille un nombre important de signatures.
Je pense qu’il est de notre devoir de faire signer, en France, une nouvelle pétition, pour que soit débaptisée à Paris l’Avenue Léopold II.
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