LA NECESSAIRE ANNULATION DU PREMIER TOUR DES ELECTIONS MUNICIPALES FRANCAISES
- Jacques-Brice MOMNOUGUI
- 26 mars 2020
- 4 min de lecture
Par Julien FOUCHET
Avocat au Barreau de Bordeaux
Président de l’Association pour l’Unification du Droit des Affaires en Europe
Le 14 mars 2020, la France est passée au stade 3 du Plan national de prévention et de lutte de pandémie grippale dans le cadre de la propagation du Coronavirus.
Nonobstant, ce passage du stade 2 au stade 3, le Président de la République a décidé de maintenir le déroulement du premier tour des élections municipales.
La candidature de plusieurs membres du gouvernement dont celle du Premier Ministre semble avoir fait pencher la balance pour le maintien du scrutin.
Ainsi, le dimanche 15 mars 2020, le scrutin s’est tenu dans les bureaux de toutes les Communes de France.
Cette décision a fait courir un risque indéniable de prorogation du Coronavirus, risque d’autant plus incohérent que ce scrutin a immédiatement été suivi d’une décision de confinement le lendemain même et de report du second tour.
Par ailleurs, ce scrutin des élections municipales chères aux français a fait l’objet d’une abstention record dépassant les 50% au niveau national.
Or, le Président de la République est le garant de la Constitution. Il se doit de mettre tout en œuvre pour protéger ses compatriotes au-delà des considérations politiques et financières.
Manifestement cette Constitution a été méconnue et notamment le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution.
Cet article prévoit que le suffrage est : « toujours universel, égal et secret ».
En vertu des principes constitutionnels d'universalité et d'égalité du suffrage, « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu. (...)
Il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l'élection des conseillers municipaux » (Conseil Constitutionnel, décision n 82-146 DC, du 18 novembre 1982 ). Il en va de même des articles 1er et R71 du code électoral.
Le suffrage n’a pas été universel puisque de nombreuses personnes ont choisi de rester chez elles le 15 mars dernier afin de ne pas prendre le risque d’être contaminées par le coronavirus.
En effet, le 14 mars 2020 lorsque le gouvernement décide d’activer le stade 3 du plan de lutte contre l’épidémie, il acte l’augmentation rapide du nombre de cas et la circulation du virus sur l’ensemble du territoire.
Dès lors, les électeurs avaient deux solutions : s’abstenir de voter pour préserver leur santé et celle de leurs proches ou bien se mettre en danger en se rendant dans les bureaux de vote.
Afin de protéger leur vie et celles de leurs proches, des nombreux électeurs, conscients du danger réel, ont été placés dans l’obligation de renoncer à exprimer leurs votes. Ils ont dû mettre en balance leur santé et leur droit de vote ; ce qui porte atteinte au droit de vote et principe d’universalité du suffrage universel.
En choisissant de maintenir le 1er tour de scrutin des élections des conseillers municipaux et des conseillers communautaires l’exécutif a non seulement porté atteinte au caractère universel du suffrage mais aussi à la permanence de cette universalité (“toujours universel”).
Cela ressort très clairement du taux d’abstention anormalement élevé de cette élection tant au niveau national qu’au niveau local.
L’article L. 3131-1 du code de la santé publique permettait au Gouvernement d’agir dès le stade 3 du samedi 14 mars et de reporter le scrutin du premier tour.
Or, les auteurs du décret du 17 mars 2020, confirmé par l’article 19 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, ont eu l’outrecuidance d’indiquer que :
« Par cohérence avec les nouvelles mesures édictées, le second tour des élections municipales, communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon prévu le 22 mars 2020 est reporté. »
Mais dans un souci de cohérence, le report du premier tour s’imposait également puisque les deux tours étaient soumis au stade 3 de l’épidémie.
D’ailleurs, l’annulation du premier Conseil Municipal empêche la désignation du Maire dans les Communes avec élection au premier tour de plus de 50%, ce qui démontre l’ineffectivité du maintien du premier tour.
En raison du fort risque de propagation du virus et de leurs pathologies, de nombreux électeurs inscrits sur les listes se sont abstenus.
Cette abstention inhabituelle a été directement causée par le risque fort de propagation.
Sur ce point, il convient de rappeler que le justiciable qui invoque une discrimination peut, pour rapporter au juge des éléments de nature à faire présumer une atteinte au principe d’égalité, se borner à présenter des éléments statistiques. (CE 16 octobre 2017, n° 383459).
En outre, afin de minimiser les contacts et donc les risques de contamination, l’État a préconisé de maintenir les rideaux isoloirs ouverts ou sans rideaux. Or comme suscité le suffrage est secret.
Le fait de ne pas permettre aux électeurs de s’isoler réellement pour voter et de devoir maintenir les isoloirs rideaux ouverts ou sans rideaux porte atteinte au secret du suffrage tel qu’énoncé à l’article 3 de la Constitution du 4 novembre 2020.
Enfin, il est à noter qu’eu égard au passage en stade 3 le samedi 14 mars, les électeurs n’ont pas pu voter en temps utile pour respecter les formalités du vote par procuration en application des articles R73 et s du code électoral.
L’article L71 du code électoral précise que les électeurs ayant une pathologie pouvant accroître le risque de décès pour cause de coronavirus peuvent voter par procuration :
« Peuvent exercer, sur leur demande, leur droit de vote par procuration :
a) Les électeurs attestant sur l'honneur qu'en raison d'obligations professionnelles, en raison d'un handicap, pour raison de santé ou en raison de l'assistance apportée à une personne malade ou infirme, il leur est impossible d'être présents dans leur commune d'inscription le jour du scrutin ou de participer à celui-ci en dépit de leur présence dans la commune ; »
Enfin, cette abstention a été accentuée par le non-respect des règles sanitaires dans certains bureaux de vote.
La circulaire INTA2007053C du 9 mars 2020 n’a pas pu être respectée avec si peu de temps pour se préparer et de moyens.
La dissociation des deux tours de cette élection contraire aux articles L56 et L227 du code électoral, aux caractère égal et universel du suffrage ainsi qu’au principe de précaution sera jugée à l’issue de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité mais l’affaire est trop politique pour être jugée en toute indépendance.
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