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LES DROITS ET LIBERTÉS DES DÉTENUS EN SITUATION DE CRISE SANITAIRE COVID-19 : MYTHE OU RÉALITÉ

  • Photo du rédacteur: Jacques-Brice MOMNOUGUI
    Jacques-Brice MOMNOUGUI
  • 3 avr. 2020
  • 5 min de lecture

Comme un vol Airbus en partance du pôle Nord vers le pôle Sud, le monde traverse une zone de turbulence qui effraie tant ses passagers que son équipe à bord. Pendant que chercheurs, scientifiques, économistes, médecins chevronnés, infirmiers, entrepreneurs et investisseurs enchaînent interviews, réunions de crise et analyses pour barrer la route à cette pandémie, les personnes en milieu carcéral semble abandonnées à elles-mêmes, tant le monde pris dans ses tourments semble avoir oublié cette partie d’elle…

Sont-ils parce qu’ils sont détenus, devenus des sous-hommes pour être laissés pour compte ? Ne doit-on pas se préoccuper de leur situation en ces temps de crise sanitaire, la promiscuité de leur quotidien étant un facteur favorable à une hécatombe si ce virus venait à pénétrer leur milieu ?

C’est certainement cette préoccupation alarmante qui a poussé la Haut-commissaire des Droits de l’Homme aux Nations Unies (Michelle BACHELET) à appeler les États à la libération urgente des détenus à travers le monde pour éviter que le virus ne fasse des « ravages » dans les prisons.

En effet, plusieurs pays - pour ne pas dire la quasi-totalité des pays - dans le monde ont ratifié divers pactes, conventions et protocoles liés aux Droits et Libertés. Dans le même élan de protection desdits droits et libertés, résolutions, chartes et principes fondamentaux ont été élaborés pour encadrer la détention des personnes en conflit avec la loi.

En 1957, une résolution des Nations-unies avait établi un ensemble de règles minima pour le traitement des détenus. Les BPTP (Principes fondamentaux relatifs au traitement des détenus ; principes 1 et 2 y compris le droit de ne pas faire l’objet de discrimination) posent également les conditions de détention allant dans le sens de la protection des droits de l’homme. De même, les BPTP en leur Principe 5 énoncent que : « tous les détenus doivent continuer à jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales énoncés dans la DUDH et autres traités de l’ONU … ».

Toujours dans la même lancée, les BPPAPAFDI (Ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme de détention ou d’emprisonnement) consacrent le droit de communiquer du condamné avec sa famille et son avocat.

Le Pacte International des Droits Civils et Politiques du 23 mars 1976 dispose en son article 10 alinéa 3 que : « Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social. »

Il ressort des textes ci-dessus cités que les Droits et Libertés des détenus sont, du moins pour ce qui est de la théorie, une réalité.

Qu’en est-il de la pratique ? Peut-on affirmer que les Droits et Libertés des détenus tels que consacrés par les textes internationaux, communautaires et nationaux sont une réalité, surtout en cette période de crise sanitaire mondiale ?

On est tenté de répondre par l’affirmative au regard des prises de décisions et actions menées par certains Etats en réponse à l’appel de la haut-commissaire des Droits de l’Homme de l’ONU.

Si certains pays à l’instar de la France, de l’Ethiopie, de la Tunisie et du Soudan ont pris des mesures à la hauteur des attentes de Madame la Haut-commissaire des Droits de l’Homme de l’ONU, d’autres par contre ont eu des réactions assez timides et parfois contraires à l’interpellation de l’ONU et des Organisations humanitaires.

Pour rappel, dans son appel du 25 mars 2020, la Haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU exhortait les gouvernements à prioriser les détenus les plus âgés, les malades et les délinquants présentant un risque faible dans le processus de désengorgement des prisons.

Il faut reconnaitre que la France par la voix de son Ministre de la Justice, Nicole BELLOUBET, avait déjà pris le taureau par les cornes en présentant plusieurs mesures d’exception pour la justice dans une circulaire publiée le 14 mars 2020. La garde des sceaux instruisait entre autres aux juridictions de différer la mise à exécution des courtes peines d’emprisonnement, l’objectif étant de désengorger les prisons de 5000 à 6000 détenus. Les juges semblent avoir bien assimilé la leçon dans plusieurs juridictions dans lesquelles on observe une recrudescence de libérations conditionnelles.

En Afrique, plusieurs pays ont répondu à l’appel de la Haut-commissaire des droits de l’homme de l’ONU. C’est le cas de l’Ethiopie qui a amnistié et libéré 4011 prisonniers. En plus de ce geste fort, d’autres mesures ont également été prises par le gouvernement éthiopien notamment l’ouverture de deux centres d’isolement et de traitement réservés aux détenus infectés; et la suspension des visites aux détenus pour une durée de 15 jours.

Le Soudan a procédé à la libération de 4212 prisonniers de droit commun. La Tunisie pour sa part en a libéré 600 et réduit les peines de 1000 autres prisonniers.

Le Burkina Faso, l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Cameroun et bien d’autres pays n’ont pas malheureusement pas encore donné une suite favorable à cet appel de l’ONU qui pourtant a toute son importance dans la lutte contre cette pandémie. Cependant, des mesures ont été prises telles que :

- La suspension des visites aux détenus (avec des exceptions pour les avocats et les personnes porteuses de vivres pour les détenus) ;

- Le lavage obligatoire des mains avant de pénétrer dans les lieux de détention ;

- La prise quotidienne de température du personnel carcéral ;

- La suspension de tous les régimes de semi-liberté ;

Il n’en demeure pas moins qu’elles ne peuvent pas répondre efficacement à la pandémie Covid-19.

C’est d’ailleurs ce cri de détresse qu’ont lancé tour à tour le Barreau du Cameroun sous la plume de sa Commission des droits de l’Homme en date du 26 mars 2020 dans un « Appel à la prise de mesures urgentes en prison » et l’association Avocats Sans Frontières - Cameroun dans un document de plaidoyer adressé au garde des sceaux en date du 29 mars 2020 et intitulé « PREVENTION & GESTION DU COVID 19 EN MILIEU CARCERAL : APPROCHE AXÉE SUR LES DROITS HUMAINS DES DETENUS ».

Il est regrettable de constater que face à la grosse menace qui plane sur les détenus, aucune peine alternative ne soit jusqu’ici appliquée au Cameroun, aucune libération conditionnelle et/ ou provisoire ne soit accordée aux détenus alors que :

- La population carcérale est constituée à 57% de personnes en détention préventive ;

- La surpopulation carcérale est un catalyseur de la propagation rapide de ce virus s’il venait à toucher le milieu carcéral ;

- Les services de santé sont pratiquement inexistants dans les centres de détention ;

- Les mauvaises conditions d’hygiène sont une réalité dans le milieu carcéral.

On est tenté de croire, face à cette réalité qui n’est pas propre au Cameroun, que les gouvernements ont oublié les engagements fermes qu’ils ont pris à New-York.

Ce constat malheureux ne doit cependant pas nous éloigner de la vérité, notamment celle de la réalité, encore plus prononcée en ces temps de crise sanitaire COVID-19, des droits et libertés des détenus dans certains pays qui chaque jour s’efforcent de remplir leurs devoirs envers ces derniers.

Il est bon de rappeler aux pays retardataires et sourds face à l’appel de Madame Michelle BACHELET leur devoir de protéger la santé physique et mentale ainsi que le bien-être des détenus, tel qu’énoncé dans l’Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).

Les droits et libertés des détenus ne doivent plus rester une utopie à la limite un MYTHE dans certains pays. Au contraire, ils doivent être une REALITE partout dans le monde, dans chaque lieu de détention, dans tout le milieu carcéral, car s’ils sont privés de leur liberté « d’aller et venir » et de leur droit de « vote », les détenus doivent continuer à bénéficier des autres droits et libertés que nous partageons TOUS.

EN ATTENDANT QUE CES PAYS RETARDATAIRES SUIVENT LE PAS, IL EST DE NOTRE DEVOIR DE LEUR RAPPELER QUE LES DETENUS NE SONT PAS DIFFERENTS DE NOUS EN TANT QU’ÊTRES HUMAINS. ILS SONT TOUS AUSSI VULNERABLES, SINON PLUS QUE NOUS ET ONT TOUT AUTANT DROIT A LA VIE.

NOUS NE DEVONS JAMAIS L’OUBLIER.

 
 
 

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